Arthur Ténor
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Arthur Ténor


 
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 Si vous tenez à le savoir

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Maxime
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MessageSujet: Si vous tenez à le savoir   Si vous tenez à le savoir Icon_minitimeSam 12 Avr 2008, 19:30

Extrait du blog.

Le 2 mai prochain, sortira chez l'éditeur Jean-Claude LATTÈS - Le Masque, dans la toute nouvelle collection MsK, un polar fantastique dont le titre devrait vous donner envie d'en savoir plus... j'espère.

Le thème : imaginez un site Internet de voyance qui vous annonce vraiment l'avenir. Celui que va découvrir un jeune commandant de police dans cette histoire, fait cela, mais pas n'importe comment !

Voici, en avant-première la couverture (provisoire) :

Si vous tenez à le savoir 23218420_p

Lien du blog "Si vous tenez à le savoir" : http://sivoustenez.canalblog.com/
Bientôt des chapitres en exclusivité.
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MessageSujet: Re: Si vous tenez à le savoir   Si vous tenez à le savoir Icon_minitimeSam 12 Avr 2008, 19:40

Comme promis, les 5 premiers chapitres qu'Arthur a publié sur son blog.

Prologue


Christophe Lubin est exténué. Cela fait des semaines qu'il ne dort plus, qu'il ne mange plus, qu'il ne vit plus... depuis qu'il sait.

Assis au bord du canapé, face à la télévision allumée mais dont le son est coupé, il marmonne comme un dément. Ses yeux rougis par l'insomnie, cernés de bleu par l'épuisement, inondés de larmes par la détresse, paraissent espérer encore un miracle pour qu'à l'ultime minute l'inéluctable ne se produise pas. Sous le téléviseur, l'écran luminescent du lecteur de DVD affiche dix-neuf heures cinquante-six. Christophe Lubin se redresse lentement. Il lui reste quatre minutes à vivre. Quoi qu'il fasse, quel que soit l'ange, le saint ou le dieu qu'il prie, il va mourir. C'est écrit, prophétisé avec certitude. Pourtant, il n'a que trente-deux ans et ne souffre d'aucune maladie.

– Pourquoi ? Pourquoi ? gémit-il en se prenant la tête dans les mains.

Parce qu'il a tenu à le savoir, voilà la réponse. Dès lors, un épouvantable compte à rebours a commencé, celui d'un condamné à mort qui connaît le jour et l'heure de son exécution. Deux minutes ! À cet instant, son visage prend une nouvelle expression. Son regard fiévreux s'écarquille d'exaltation, tandis qu'un étrange sourire sardonique étire ses lèvres. Il va quand même contrarier celui qui a programmé à vingt heures précises l'heure de sa mort. Parce qu'il va avancer celle-ci de deux minutes.

– Il ne sera pas vingt heures, répète-t-il comme s'il avait déjà gagné la partie.

Il se lève, traverse le salon, ouvre la fenêtre puis l'escalade. Accroupi sur le rebord, il jette un regard vers le lecteur de DVD qui marque 19 h 58.

– C'est moi qui décide, moi seul ! s'écrie-t-il.

Il éclate de rire et se laisse tomber dans le vide. Curieusement, le générique du journal télévisé de vingt heures vient juste de commencer. En bas à droite de l'écran de télévision, un rectangle affiche l'heure exacte : 20 h 00. L'horloge du lecteur de DVD avance donc de deux minutes. Christophe Lubin n'y avait jamais prêté attention.

1 L'enquête commence


Dans un bureau du commissariat, le capitaine de police Antoine Rochand bâille longuement, puis s'étire sur son fauteuil qui émet en écho un grincement de vieilles rotules. Il consulte sa montre, soupire.

– Vingt heures dix. Allez, j'en ai assez fait pour aujourd'hui, je rentre, décrète-t-il.

Il ferme son tiroir de droite à clé, remet un peu d'ordre sur son bureau, adresse un clin d'œil à la photo de son idole, le rocker Elvis Presley, qui trône à gauche de l'écran de son ordinateur, puis se lève. La sonnerie du téléphone retentit alors, lui tirant une grimace d'agacement.

– Je ne suis plus là ! lance-t-il.

Sur le portemanteau, il attrape et enfile son blouson noir de motard, rembourré aux épaules. Indifférent à l'appel de l'importun qui insiste, il noue son écharpe blanche autour de son cou, puis remonte d'un geste sec la fermeture Éclair de sa carapace de cuir. L'appareil cesse enfin de sonner et le jeune officier affiche un air satisfait, comme s'il venait de remporter la dernière petite victoire de sa journée. La porte du bureau s'ouvre alors vivement, tandis qu'apparaît une de ses collègues en uniforme.

– Antoine, tu pourrais répondre ! proteste la jeune femme. Je suis toute seule à l'accueil !
– Et moi, je ne suis plus là. Ça ne se voit pas ? Tu m'as vu sortir à l'instant, j'ai dit bonne nuit à tout le monde...
– Arrête, s'il te plaît, je suis fatiguée moi aussi. C'est pour un suicide, rue Marcel Carmet.
– Les suicides, c'est pas mon rayon.
– Il y aurait présomption de meurtre. La patrouille est sur place.

Contrarié, le capitaine reste songeur quelques secondes.

– Hubert ne peut pas y aller ?
– Il est parti, Hubert.
– Merde ! jure l'officier avec un geste rageur du poing.
– Eh oui, mon capitaine, il ne fallait pas rester alors que ce n'était pas obligé. C'est sur votre chemin, vous pouvez bien vous arrêter, juste le temps d'un petit constat et hop ! vous êtes chez vous.

Antoine Rochand acquiesce avec résignation. « C'est beau quand même, la conscience professionnelle », pense-t-il avec fatalisme. Il s'empare de son casque intégral et de son sac à dos noir, posés sur une chaise près de la porte.

– Comment résister quand c'est dit avec un aussi joli sourire ? déclare-t-il en quittant le bureau.

En cinq minutes, il arrive sur les lieux où règne l'animation habituelle des soirs de faits divers : voitures de police et de pompiers aux gyrophares tournoyants, dames du voisinage en robe de chambre et bigoudis, curieux de passage, papy promenant toutou...

– À une minute près, je le recevais sur la tête ! grommelle ce dernier.

Le capitaine gare sa moto le long du trottoir derrière un des deux véhicules de patrouille accourus sur place. Un policier en tenue vient le saluer.

– Bonsoir, capitaine.

L'officier ôte son casque, serre distraitement la main de l'agent tout en considérant la façade de l'immeuble haussmanien plutôt cossu, où le suicidé habitait. Au bas, une mare de sang frais macule le sol. Des portières claquent, puis un bref coup de sirène incite les badauds à s'écarter pour laisser partir l'ambulance du 18 qui emporte le cadavre à la morgue.

– Quel étage ? demande Rochand.
– Le cinquième. Il n'avait aucune chance de s'en tirer, le pauvre.
– Ou le veinard. Je peux vous confier ça ?
– Bien sûr.

Le capitaine remet son casque intégral au policier, puis entre dans l'immeuble. Sur le palier du cinquième, il retrouve trois collègues de son commissariat, dont une femme, en compagnie du gardien de l'immeuble, en polo et charentaises. Il remarque la présence d'une adolescente en jogging rose qui se tient sur le paillasson de l'appartement de droite, la mine défaite, les bras croisés.

– Capitaine, vous arrivez bien, on allait entrer, lui annonce un des agents.
– Parfait. Vous avez la clé ?
– C'est moi qui les ai, répond le gardien, mais il a fallu se battre pour les obtenir.
– Pourquoi ?
– Parce que le gars qui vivait là, c'était un parano grave. Le mois dernier, il s'est fait installer une alarme anti-intrusion. Le problème, avec ces systèmes, c'est qu'ils se déclenchent pour un rien et que ça fait un foin du diable. Alors, pour la tranquillité de l'immeuble, le syndic a exigé que je dispose d'un double de ses clés. Et comme si ça ne suffisait pas, il a fait blinder sa porte, et quand je dis blinder... vous allez voir ça.

Effectivement, l'ouverture de l'huis nécessite le déverrouillage de trois grosses serrures de haute sécurité. L'envers du battant a été renforcé avec une plaque d'acier.

– Avait-il reçu des menaces ? interroge le capitaine, tout en explorant rapidement l'entrée du regard.

Il n'y décèle rien de particulier. Seul un tableau d'art moderne, au-dessus d'une console en merisier, accroche son attention. Dans les tons noir, marron et rouge, l'œuvre dégage une atmosphère violente et morbide.

– Sûrement pas de celles que vous pourriez croire, répond le gardien. Un jour, il m'a vaguement dit qu'il avait pactisé avec le diable et qu'il allait le payer. C'est vous dire ! Non, je crois plutôt que c'est dans sa tête que ça se passait... (Il marque une courte pause, avant de faire remarquer avec un petit sourire malicieux : ) De toute façon, s'il a été assassiné, le meurtrier est encore là parce que pour entrer chez lui, il n'y a que deux jeux de clés : le mien... et celui-là. (Il montre sur la console un trousseau de trois clés plates magnétiques) Et comme c'était fermé à double tour...

Le policier approuve de la tête.

– Bien, merci, dit-il. Je vais jeter un œil. On vous appellera pour refermer. (Il se tourne vers la femme policier.) S'il vous plaît, vous pourriez demander à la jeune fille en rose sur le palier de venir ?

Il pénètre dans le salon. La télévision, son coupé, diffuse la fin du journal télévisé qu'il est train de rater. L'une des deux fenêtres de la pièce est grande ouverte. Après s'y être brièvement penché, il vient s'asseoir sur le canapé. Puis, comme s'il était chez lui, il s'empare de la télécommande et remet le son. Déconcertés par son attitude, ses collègues s'interrogent du regard. L'un d'eux s'enhardit à lui rappeler les précautions d'usage en cas d'homicide :

– Euh... Capitaine, vous ne devriez peut-être pas toucher... Les empreintes.

Rochand sourit.

– Si ce type a été balancé par la fenêtre, c'est par un courant d'air, réplique l'officier sans cesser de fixer la télévision.

Rassurés, les agents acquiescent. Effectivement, aucun indice dans la pièce ne laisse soupçonner qu'il y ait eu bagarre, donc meurtre ; il s'agirait bien d'un suicide. La femme policier introduit l’adolescente en rose dans le salon. Le capitaine éteint le téléviseur à regret, puis se lève.

– Bonsoir, mademoiselle. Je suis le capitaine Rochand du commissariat d'arrondissement.
– Je sais qui vous êtes, dit-elle.
– Ah oui ? On se connaît ?
– Je suis dans la même classe qu'Anthony.
– Oh, je vois. Vous êtes Géromine ?
– Non.

Il dévisage l'adolescente. Chevelure blond vénitien, des yeux marrons, le teint clair... Un physique globalement quelconque, mais dont émanent une grande douceur et une sensualité évidente. Elle paraît réservée, très observatrice et d'une intelligence redoutable. Elle sait quelque chose, se dit Rochand intuitivement.

– Vous connaissiez l'homme qui vivait ici ? demande-t-il.
– C'était mon voisin.
– Vous êtes Clarisse !
– Non plus.

Elle l'observe à son tour. Elle le trouve plutôt mignon avec ses cheveux bruns en bataille, son regard malicieux, son allure subtilement négligée de motard mal rasé. Un flic moderne qui n'a pas l'air d'en être un, doté de la finesse des enquêteurs brillants qui ne donnent jamais l'impression de tout comprendre. Anthony n'exagère peut-être pas quand il parle de son frère comme d'un flic « trop génial-top cool-super efficace, mais un brin chiant sur le respect du code de la route. »

– Que savez-vous de votre voisin... Corinne ? l'interroge-t-il.
– Vous y êtes presque, mais ce n'est pas encore ça. Il travaillait dans une boîte de création de jeux vidéo. C'était un mec sympa...
– Un peu allumé, non... Karine ?
– Karine, c'est la dernière conquête d'Anthony. Moi, il ne m'a pas encore séduite et c'est pas demain la veille. Christophe avait l'air normal. Il m'a pas mal dépannée quand j'avais des problèmes d'informatique, et puis il me refilait des tas de jeux. Pour le reste, je ne me mêlais pas de ses affaires.
– Pourquoi s'est-il suicidé, à votre avis... (Le capitaine adresse un regard malicieux à la jeune fille, car il croit avoir enfin trouvé son prénom.) Caroline ! lance-t-il.

Les fins sourcils de l’adolescente se froncent de mécontentement.

– Anthony vous a parlé de moi ?
– Mon petit frère n'a pas de secret pour moi, déclare le policier, et je crois me souvenir qu'il vous trouve... comment dire ? Inabordable.

Elle ne peut retenir un sourire qu'elle tente de dissimuler en baissant la tête, mais elle retrouve vite une expression grave en repensant à son voisin.

– Christophe ne se sentait pas très bien ces derniers temps, reprend-elle, les yeux baissés. Je n'étais pas sa confidente, mais j'ai l'impression qu'il avait fait une grosse bêtise.
– Il trafiquait ?
– Oh non, c'était quelqu'un de clean ! Bien trop trouillard pour faire quoi que ce soit qui puisse lui causer des ennuis. Non, je crois plutôt qu'il avait fini par péter un câble, peut-être parce qu'il jouait trop avec ses ordinateurs.
– Vous avez une idée sur ce que pourrait être cette grosse bêtise ?

Elle marque une hésitation qui n'échappe pas au capitaine.

– Aucune, répond-elle finalement.

Le policier est maintenant persuadé qu'elle en sait plus, mais il préfère ne pas insister, du moins tant qu'il n'a pas de raison de s'intéresser davantage à cette affaire.

– Bon. Merci, Caroline. Si quelque chose vous revient en mémoire, vous savez où me trouver.

Elle acquiesce, puis se détourne. La femme policier lui emboîte le pas pour la raccompagner.

– Ne vous dérangez pas, je connais le chemin, lance l'adolescente.

Antoine Rochand est tout à coup pressé d'en finir. Il confiera demain l'enquête de routine au stagiaire qu'on lui a mis dans les pattes la semaine dernière, soi-disant « pour le seconder ». En vérité, il a hérité d'un empoté de première. Malgré tout, pour se donner bonne conscience, il se force à faire un petit tour dans l'appartement, à la recherche d'une éventuelle mais improbable lettre d'explication. Il jette un coup d'œil rapide sur quelques documents qui traînent sur un lit dans une chambre, puis explore rapidement un bureau où règne un indescriptible désordre de fondu d'informatique. Enfin, il annonce à ses collègues qu'il va se coucher.

Dans l'entrée, il s'arrête pour considérer une dernière fois le tableau, puis la console en-dessous. Il remarque alors un petit détail qui l'intrigue... et l'amuse. Une fois sur le palier, il glisse à l'oreille de la femme policier des instructions qu'elle doit appliquer sans chercher à comprendre. Il fait de même avec un autre de ses collègues en tenue.
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MessageSujet: Re: Si vous tenez à le savoir   Si vous tenez à le savoir Icon_minitimeSam 12 Avr 2008, 19:42

2 L'enquête commence


Sitôt rentrée chez elle, Caroline est allée au salon donner un rapide compte rendu de l'affaire à sa mère qui, convalescente dans un fauteuil roulant à la suite d'un accident de voiture, est restée dans l'appartement. Cela fait, elle s'empresse de retourner se coller l'œil au judas pour observer la suite des événements.

Antoine Rochand se tient sur le palier. Il discute à mi-voix avec la femme agent de police qui acquiesce de la tête comme si elle recevait une série d'ordres. Puis c'est au tour de l'autre policier d'écouter le capitaine.

– Mince ! jure Caroline.

Car voilà que le flic vient bêtement se placer devant la porte, occultant le judas. Quand enfin il change de place après être resté un long moment en faction, Rochand n'est évidemment plus là. Le gardien de l'immeuble sort de l'ascenseur, un trousseau de clés à la main. Il vient refermer l'appartement de Christophe Lubin, puis le palier se vide. Caroline reste pourtant en observation jusqu'à ce que la minuterie coupe la lumière. Ensuite, se mordant les lèvres d'indécision, elle demeure encore longuement derrière la porte à se demander : « J'y vais ou j'y vais pas ? » Le problème, c'est qu'elle trouve autant de raisons pour y aller que pour renoncer. Le vrombissement d'une moto qui s'éloigne dans la rue lui signale que le capitaine est parti. Pour se donner un petit délai de réflexion, Caroline décide de s'assurer que les autres policiers quittent également les lieux. Penchée à la fenêtre de sa chambre, elle assiste à la dispersion des rares curieux qui se sont attardés, puis au départ de la voiture de police. C'est à cet instant qu'enfin elle tranche : elle doit aller au bout de son idée car sinon, se dit-elle, elle sait que ça l'agitera toute la nuit. En quelques bonds de chat, elle retourne dans le vestibule, puis ouvre avec précaution la porte d'entrée qui émet un léger grincement.

– Qu'est-ce que tu fais, ma chérie ? l'interpelle sa mère depuis le salon.

– Rien, maman, je reviens tout de suite. J'ai oublié de dire quelque chose au gardien à propos... des poubelles !

– Ah bon ? D'accord. Fais vite.

– Oui, oui, ne t'inquiète pas.

En catimini, alors que règnent silence et pénombre dans la cage d'escalier, l'adolescente traverse le palier. Elle sort de sa veste de jogging le trousseau de clés qu'elle a subtilisé tout à l'heure sur la console, en sortant de chez son voisin défunt, et s'en sert pour entrer dans l'appartement. Son cœur bat des records de vitesse.

– « Je suis folle, complètement folle ! », pense-t-elle tout en se faufilant dans l'appartement.

À tâtons dans l'obscurité, elle dirige ses pas vers le bureau. Elle connaît parfaitement ce logement pour y avoir passé de longues heures à apprendre à se servir d'un ordinateur, à jouer avec les derniers modèles de console de jeux vidéo ou à discuter avec Christophe. C'était un jeune homme sensible, bien trop sans doute, et d'une compagnie à la fois agréable, instructive et tranquille. De plus, elle ne craignait aucune ambiguïté dans leur relation, car il était d'une homosexualité sans équivoque.

Son suicide a bouleversé Caroline, mais ne l'a pas étonnée. En constatant que chaque jour son visage devenait plus pâle et ses yeux plus cernés de mauve, elle a compris qu'il souffrait d'une grave dépression. À plusieurs reprises, elle a essayé de lui proposer son aide mais il n'a jamais voulu se confier. Une fois seulement, il a évoqué un mystérieux contact sur Internet qui l'aurait fortement ébranlé, de toute évidence au point de lui couper le sommeil et l'appétit. C'est pourquoi Caroline est convaincue que la cause de sa mort est à chercher du côté de cette cyber-relation. Elle a songé un moment à en parler au capitaine Rochand, mais elle s'est ravisée, se donnant pour prétexte qu'il a bien d'autres chats à fouetter que d'enquêter sur le suicide propre et net d'un jeune homme sans histoire et vivant seul. En vérité, elle souhaite trouver par elle-même la clé du mystère... et avant lui.

Sans allumer la lumière pour ne pas alerter les habitants de l'immeuble d'en face, elle s'installe devant l'ordinateur de Christophe. Une fois l'écran plat et l'unité centrale en fonction, elle ouvre le navigateur Internet car elle sait que la connexion haut débit s'établit automatiquement au démarrage.

– Bon, commençons par le commencement, dit-elle en frottant l'une contre l'autre ses mains moites de trac.

Elle clique sur la fonction « Historique » du logiciel qui permet de retrouver les adresses des derniers sites visités, sur les trois dernières semaines. La longueur de la liste lui tire une grimace. « J'en ai au moins pour huit jours », se désole-t-elle en pensée. Elle prend une profonde inspiration, puis entame sa fastidieuse recherche. Après quelques minutes, elle est troublée par un très léger parfum auquel elle n'avait pas prêté attention jusque là, qu'elle a déjà sentie quelque part, très récemment. Elle redresse le buste pour mieux se concentrer sur ce délicat effluve qu'elle aimerait bien identifier. Cela ressemble à une eau de toilette pour homme. C'est curieux, se dit-elle, car Christophe Lubin ne se parfumait jamais. Non, ce serait plutôt... Une soudaine intuition lui donne la réponse. Elle se retourne vivement et pousse un petit cri de surprise. À l'entrée du bureau, nonchalamment appuyé contre le chambranle, le capitaine Rochand l'observe avec un léger sourire.

– Pfou ! Vous m'avez fichu une de ces trouilles ! souffle-t-elle une main sur le cœur.

Le policier feint l'étonnement.

– Pourquoi ? Je n'ai rien fait.

Elle hausse les épaules.

– Vous m'avez bien eue, hein ?

Il s'approche.

– C'est pas bien de s'introduire chez les gens, même quand ils sont morts. Mais peut-être avez-vous une bonne raison. Qu'est-ce que vous cherchez ?

Caroline se retourne vers l'écran dont la lumière bleutée éclaire son visage aux lignes tout en rondeurs.

– Quand il a commencé à aller mal, dit-elle, Christophe m'a dit qu'il avait eu un contact avec un type par Internet. Je suppose que c'est sur un site ou peut-être un forum de discussion. C'est ce que j'aimerais vérifier. Peut-être que ça aiderait à comprendre pourquoi il a sombré dans la dépression, alors que c'était un gars parfaitement d'aplomb.

– C'est une bonne idée. Je peux m'asseoir à côté de vous ?

Antoine s'empare d'un tabouret et prend place à droite de l'adolescente. Elle se tourne pour le regarder avec une expression d'inquiétude.

– Dites, ça ne va pas me causer des ennuis d'avoir piqué les clés ?

– Si vous les remettez à leur place, je vous promets que non. Donc, vous étiez en train de passer en revue les sites qu'il aurait visités ces dernières semaines.

– Oui, mais il y en a une sacrée liste ! Je pense qu'en s'intéressant à ceux sur lesquels il s'est connecté le plus souvent, on a des chances de trouver plus vite.

– Pas mal déduit, je vous laisse faire.

Après un quart d'heure de recherche, en grande partie silencieuse, Caroline clique sur une adresse qui attire son attention. Une page d'accueil très sobre apparaît avec une mystérieuse entête : « Si vous tenez à le savoir ». Le fond est beige, sans aucune fioriture, et les explications réduites à leur plus simple expression : « Si vous souhaitez connaître votre avenir, cliquez sur le pentacle ».

– C'est un site de voyance en ligne, remarque Antoine.

– Il y est revenu souvent. Regardez, presque tous les jours.

– Moui. Allons voir plus loin.

La jeune fille amène le pointeur sur un logo en forme de roue cabalistique. Une nouvelle page s'affiche. Dans un même dépouillement, il est proposé au client de poser « une question d'essai » à laquelle il sera répondu gratuitement. Toute nouvelle consultation sera ensuite payante. Caroline lit l'unique modalité de fonctionnement du site :

– « Les réponses vous seront envoyées par e-mail dans un délai indéterminé qui peut aller de quelques secondes à plusieurs jours ». C'est dingue ! Comment on peut faire un site plus nul ?

– Ça donne l'impression d'être un attrape-nigauds imaginé par des gamins qui n'auraient pas voulu se casser trop la tête, déclare Antoine. Allons voir dans la boîte à mails de Lubin, il a peut-être reçu des réponses.

– J'allais le faire.

Effectivement, ils constatent que dans sa « Boîte de réception » Christophe Lubin a téléchargé une dizaine de messages provenant d'un correspondant nommé votre-réponse@sivoustenezalesavoir.com.

– J'ouvre lequel ? demande Caroline.

– Le premier, puis le dernier, suggère le policier.

S'affiche alors dans une fenêtre un message de deux lignes : « Vous avez souhaité savoir quand votre mère vous recontactera. Voici notre réponse : vendredi 18 mars, à 19 heures 12, sur votre téléphone fixe. » En dessous, un post-scriptum rappelle dans un cadre : « Cette première consultation était gratuite. Si vous désirez poser une nouvelle question, il vous faudra régler la somme de 1 000 euros. »

– Mille euros ! s'exclame Caroline. Ils n'y vont pas de main morte !

– Effectivement, ça sent l'arnaque, mais...

– Mais ?

– Une arnaque d'un genre nouveau. D'habitude, sur un site de voyance, on présente le « célèbre docteur JEVOITOU » ou la « grande madame IRMA ». Il y a des étoiles et des symboles étranges un peu partout, et surtout des résultats garantis.

– Dans celui-là, il y a quand même un pentacle, fait remarquer Caroline.

– Un pentacle, oui. Ça fait un peu léger pour rassurer le chaland. Voyons le message le plus récent. Apparemment, il date d'une quinzaine de jours.

Comme le précédent, l'e-mail qui s'affiche n'a que trois lignes. Un moment, ils restent tous deux sans réaction, stupéfaits, comme s'ils ne comprenaient pas ce qu'ils avaient sous les yeux. Enfin, Antoine Rochand rompt le silence pour souffler :

– Ça alors !
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MessageSujet: Re: Si vous tenez à le savoir   Si vous tenez à le savoir Icon_minitimeSam 12 Avr 2008, 19:43

3 La première question


Le lendemain matin, Antoine Rochand se rend au travail dans une humeur détestable, car il a horreur d'être perturbé, lui qui se targue d'être le flic le plus zen de la place de Paris. Ses collègues s'en aperçoivent à sa manière sèche de les saluer et à ses traits crispés des mauvais jours.

– Oh, toi, tu t'es fâché avec bobonne, lui lance le lieutenant Michalon.

Le sujet est sensible, car cela fait à peine un mois que le capitaine s'est mis en ménage. Depuis, les plaisanteries douteuses fusent dès qu'il paraît avoir mal dormi.

– C'est avec toi que je vais me fâcher si tu insistes, réplique l'intéressé en le pointant du doigt.

Il s'enferme dans son bureau. Une fois installé dans son fauteuil à haut dossier, santiags sur le bureau, il s'accorde une séance de « maîtrise zen », indispensable pour mieux commencer cette journée. Hier soir, chez Christophe Lubin, il a vécu un moment d'intense... comment dire ? étonnement... effarement. Pourtant, ce n'était que deux lignes d'e-mail. Il soupire, le regard punaisé sur l'écran éteint de son ordinateur. Toute la soirée, et malheureusement aussi une partie de la nuit, il a passé mentalement en revue toutes les explications rationnelles possibles au contenu du message que le suicidé a reçu le 8 avril. : « Vous avez souhaité savoir le jour et l'heure précis de votre mort. Voici notre réponse : jeudi 21 avril 2005, à 20 heures 00. » Antoine ferme les yeux. Lubin est bien mort le 21, à 21 heures précises.

Saisi du désir impérieux de retourner sur le site de voyance en ligne, le capitaine se redresse sur son fauteuil, puis allume son ordinateur. Avec nervosité, il attend la fin de la procédure d'initialisation qui lui paraît plus interminable que jamais. Un double-clic sur l'icône de son navigateur et la connexion Internet s'établit. Avec rapidité, il tape dans la barre d'adresses : www.sivoustenezalesavoir.com. Au cours de sa nuit agitée, il a eu le temps de méditer sur la question qu'il poserait au site si jamais il profitait de la consultation gratuite.

– « Après tout, qu'est-ce que je risque ? » se convainc-t-il, comme s'il éprouvait un vague sentiment de culpabilité.

La page d'accueil beige s'affiche, puis celle de consultation. Le capitaine inscrit sa question dans le cadre prévu à cet effet : « Qui sera la prochaine victime de Serge Pardini ? » Il valide, mais avant qu'il ait le temps d'inscrire son adresse e-mail pour la réponse, une fenêtre grise se superpose pour l'avertir : « Votre question est mal formulée. Pour être valable, celle-ci doit obligatoirement porter sur votre propre avenir et non sur celui d'une tierce personne. »

– Je m'en doutais, grommelle le policier.

Il réécrit donc sa question autrement : « Quand parviendrai-je à arrêter Serge Pardini et comment ? »

– Si tu réponds à ça, mec, c'est que t'es vraiment fortiche !

D'autant, pense-t-il, que le mystérieux devin ne connaît même pas son nom. Il a en effet choisi de ne pas donner son e-mail personnel, mais une adresse codée dont il se sert pour communiquer avec ses indics. Il valide en se disant qu'il est en train de perdre son temps et peut-être, ce qui serait nettement plus gênant, de se faire avoir par un hacker. Cette fois, le curseur se place sur la ligne de saisie de l'adresse électronique pour la réponse. Le policier en est presque surpris. L'information envoyée, un nouvel avertissement s'affiche dans un rectangle grisé : « Vous avez posé deux questions en une seule, ce qui n'est pas conforme au principe de notre offre. Cependant, exceptionnellement, nous l'avons accepté. Vous recevrez la réponse dans une minute. » Interloqué, mais incrédule, Antoine Rochand prend du recul. Calé contre le dossier de son fauteuil, l'œil fixé sur sa montre, il patiente soixante secondes puis ouvre son logiciel de messagerie. Effectivement, parmi les messages qui se téléchargent dans sa Boîte de réception, l'un est destiné à son adresse Indics. La gorge nouée, il ouvre le mail et lit : « Vous avez voulu savoir quand et comment vous parviendrez à arrêter Serge Pardini. Voici notre réponse : le jeudi 28 avril à 17 heures 32, vous recevrez un appel sur votre téléphone mobile. Fred Klass vous informera du lieu exact où loge Serge Pardini. À 17 heures 58, vous pénétrerez dans la planque afin de procéder à l'arrestation et serez poignardé. »

Le choc est tel que le capitaine étouffe un cri comme si on l'avait frappé. Il se lève, puis tout en proférant une série de jurons, se déplace dans la pièce en se passant nerveusement une main dans les cheveux.

– C'est pas vrai, j'hallucine ! C'est un gag, un gros gag à la con ! (Il s'immobilise.) Je suis quand même pas passé dans la quatrième dimension.

Cette réponse est d'autant plus troublante que trois personnes seulement au commissariat, autant dire au monde, connaissent l'existence de l'informateur Fred Klass. Le capitaine pense brusquement qu'il doit garder une trace matérielle de ce qu'il vient d'apprendre. Il retourne à son bureau et en trois coups de souris commande l'impression du mail. Ensuite, il le lit et le relit sans parvenir à se convaincre que ce qu'il a sous les yeux soit son futur... et son faire-part de décès.

– Bon, Antoine, se parle-t-il à lui-même, maîtrise zen. C'est pas encore fait, t'es pas encore mort.

Il reprend sa position de méditation, santiags sur le bureau, mains croisées sur la nuque. À cet instant, quelqu'un cogne deux coups secs à la porte, puis entre sans attendre qu'on l'y invite. C'est un homme d'âge mûr, le visage anguleux, l'expression sévère et de style veston-cravate.

– Rochand, je viens de recevoir un message de la BAC[1] de Sèvres. Au cours d'une filature, ils ont croisé Fred Klass. C'est un de vos indics, n'est-ce pas ?

Tendu, le capitaine acquiesce d'un simple signe de tête.

– Eh bien, il semblerait que votre homme ait une affaire en cours avec Pardini. Ça pourrait enfin bouger de ce côté là, tenez vous prêt. Je vous laisse ce que j'ai. Faites-en bon usage, dit-il en posant une feuille sur le bureau d'Antoine Rochand.

– Je vous trouve bien pâle, remarque-t-il. Vous avez mal dormi ?

– Non... enfin, oui. Une indigestion de pop-corn, articule le capitaine.

Le Boss, tel que l'on surnomme le chef dans ce commissariat, esquisse un sourire puis tourne les talons. Antoine Rochand a le cœur au bord des lèvres.

– Bon sang, il faut que je prenne l'air !

À peu près au même moment, Caroline entre en cours de maths, pâlotte et le regard triste. Elle aussi a mis du temps à trouver le sommeil. Cependant, contrairement à Antoine Rochand, elle n'a pas cherché à se convaincre qu'elle n'avait pas basculé dans la quatrième dimension. C'est essentiellement Christophe Lubin qui a occupé ses pensées. En comprenant la cause des angoisses qui l'avaient torturé jusqu'à le pousser au suicide, elle a réalisé combien elle avait manqué d'attention et de compassion. Elle s'en voudra longtemps de ne pas être restée avec lui quand, un soir avant le dîner où elle était allée lui demander un renseignement informatique, il a semblé vouloir lui confier son problème. Si elle avait un peu oublié son nombril pour l'écouter, elle aurait sûrement pu l'aider et peut-être lui sauver la vie.

Une fois la porte refermée et tout le monde installé, le professeur annonce qu'il va rendre les copies du devoir de la semaine passée. Cela ramène instantanément Caroline à la dure réalité du monde des vivants. Comme toujours, l'enseignant assortit sa distribution de commentaires mi-figue mi-raisin qui ont le dont d'agacer les élèves, d’autant qu'ils sont souvent subtilement justifiés.

– Monsieur Garcin ! annonce-t-il. Je vous félicite ! Grâce à vos yeux de lynx, vous avez réussi à pomper avec une précision stupéfiante les bêtises de Mlle Fouroux, située pourtant à trois mètres de vous ! Je vous ai quand même mis cinq, parce que vous avez répondu à la dernière question, mal mais seul. (Il s'approche de Caroline, dont la poitrine se comprime d'appréhension.) Mlle Alibert. De votre part, j'ai vu pire, mais j'ai vu mieux. Je vous ai mis...

– Quatorze et demi ! le coupe la jeune fille. C'est presque ma meilleure note du trimestre !

Le professeur affiche un air ahuri.

– Comment savez-vous que je vous ai mis quatorze et demi ?

La collégienne rougit.

– Je ne sais pas, j'ai... j'ai dit ça comme ça, au hasard, bredouille-t-elle.

– Alors peut-être qu'au hasard, vous sauriez me dire ce que j'ai écrit à côté de la note ? la nargue le professeur avec une évidente arrière-pensée.

Car les copies sont restées deux jours dans son casier, en salle des profs. « Si je lui réponds, pense l'adolescente, il va tomber raide ». Elle préfère jouer les innocentes :

– Ben... un truc du genre : Comment avez-vous fait avec une aussi petite cervelle ?

Elle déclenche l'hilarité dans la classe, et arrache un vague sourire en coin au professeur qui lui tend son devoir sans ajouter un mot. Caroline écarquille les yeux ; en haut de la page est écrit mot pour mot le commentaire qu'elle a lu hier soir dans sa chambre, sur l'écran de son ordinateur. Tandis que la distribution se poursuit, elle plonge la main dans son sac à dos pour en sortir une feuille blanche sur laquelle elle a imprimé la réponse du site de divination. Elle lit plusieurs fois le court texte : « Vous avez souhaité connaître la note de votre prochain contrôle de maths. Voici notre réponse : 14, 5. Le professeur aura annoté votre copie de la manière suivante : Bravo, mais avec un peu plus de réflexion vous auriez obtenu le maximum ».

À la récréation, excitée comme si elle venait d'être retenue pour jouer avec Brad Pitt dans un film d'amour, elle s'isole de ses camarades sous le préau du collège pour appeler avec son téléphone mobile le commissariat. À la standardiste, elle demande Antoine Rochand.

– C'est de la part de Caroline Alibert. Dites-lui que c'est très important...

– Ne quittez pas, je vais voir s'il peut vous prendre.

– Merci, j'attends.

Très vite, la voix du capitaine résonne dans le combiné :

– Oui, Rochand.

– Bonjour, monsieur, c'est Caroline. Il faut que je vous parle, il m'arrive un truc incroyable !

– Laissez-moi deviner, vous avez consulté une voyante extralucide.

– Euh... oui. Vous avez le don vous aussi ? Hier soir, après qu'on se soit quittés, je n'ai pas pu m'empêcher de retourner sur le site avec mon ordinateur. Je lui ai demandé qu'il me donne ma prochaine note en maths, parce que je savais que le prof nous rendrait nos copies ce matin. Vous n'allez pas me croire : le site m'annonçait quatorze et demi, et j'ai eu quatorze et demi !

– Un coup de chance, objecte le capitaine, sans conviction cependant.

– Pour la note, admettons. Mais pour ce qu'a noté le prof sur ma copie, c'est impossible. J'ai imprimé l'e-mail du site et c'est le même commentaire. Je vous jure, monsieur, exactement le même ! Vous vous rendez compte ?

En guise de réponse, elle obtient un long silence.

– Allô ? Vous croyez que je vous raconte des blagues, c'est ça ? Dites-le, ça ne me vexera pas. Enfin si, un peu, mais je m'en remettrai.

– Je vous crois, Caroline. C'est simplement que ça me paraît tellement...

– Génial !

– C'est pas le mot qui me viendrait en premier. Écoutez, je suis obligé de vous laisser, mais je vous rappellerai. En attendant, gardez cette histoire pour vous, le temps qu'on y voie plus clair. D'accord ?

– Bien sûr. Au revoir.

Ils raccrochent puis, chacun de leur côté, restent un long moment pensifs, parvenant difficilement à réaliser ce qui leur arrive. Ils n'ont cependant pas la même vision de cette histoire. Pour le capitaine Rochand, c'est une nouvelle enquête qui commence, la plus étrange de sa carrière, une enquête à la X-File, se dit-il. Pour Caroline, c'est le début d'une aventure « vraiment trop géniale ! »
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MessageSujet: Re: Si vous tenez à le savoir   Si vous tenez à le savoir Icon_minitimeSam 12 Avr 2008, 19:43

4 Ça se confirme


En début de soirée, Caroline dîne pensivement avec sa mère dans la cuisine. La petite télévision sur le buffet est allumée, sans que ni l'une ni l'autre n'y prête attention. Depuis l'accident qui a cloué Jessica Alibert pour plusieurs mois dans un fauteuil roulant, il règne dans ce foyer une atmosphère bizarre, pas vraiment sinistre car la mère et la fille partagent le même tempérament optimiste, mais plutôt mélancolique. Pour la première, ce sont les joies simples d'une famille équilibrée avec un mari présent et attentionné qui lui manquent (son divorce ne date que d'un an). Pour la seconde, c'est tout simplement la présence du père.

Caroline se dit qu'elle pourrait proposer à sa mère de consulter le site de voyance, histoire d'alléger l'atmosphère. Mais pour demander quoi ? « Est-ce que mon mari va revenir à la maison ? » Si la réponse est négative, bonjour l'allègement ! Son envie est quand même très forte de tâter le terrain, surtout qu'elle-même ne peut plus interroger le site gratuitement et qu'elle aimerait bien vérifier une nouvelle fois sa fiabilité.

– Dis, maman, si tu avais la possibilité de connaître une chose de ton avenir, une seule, ce serait laquelle ?

– Combien de temps cette maudite jambe me fera mal, répond Jessica du tac au tac.

Prenant appui sur les accoudoirs, la convalescente se redresse dans ce qu'elle appelle son « fauteuil de torture ». Sa jambe gauche, plâtrée de la cheville à la hanche, repose à l'horizontale sur une gouttière de support. Caroline hoche la tête en se disant que si le site devait annoncer un délai supérieur à huit jours, Jessica pousserait des cris de révolte qui s'entendraient jusqu'au dixième étage de l'immeuble, voire au septième ciel. Décidément, pense la jeune fille, il est bien risqué de connaître son avenir. Elle comprend de mieux en mieux le double sens, sans doute intentionnel, de l'intitulé du site : Si vous tenez à le savoir. Cela sonne comme un avertissement, suivi d'un « tant pis pour vous ! » Dans certaines circonstances pourtant, réfléchit-elle encore, ce ne serait pas si mal d'être informé de ce qui va arriver, par exemple : est-ce qu'Anthony, le bel Anthony, se décidera enfin à lui témoigner de l'intérêt ?

Le journal télévisé s'ouvre à cet instant sur un fait divers dramatique, en apparence banal, survenu en banlieue parisienne. Le présentateur annonce que deux jeunes cambrioleurs ont été tués en s'introduisant dans l'entrepôt d'une petite entreprise de distribution de produits informatiques. Le propriétaire les y attendait avec un fusil de chasse, car il aurait été prévenu, prétend-il, par un site Internet de divination en ligne. Pour mieux suivre le reportage, Caroline repose le morceau de pizza qu'elle allait avaler.

– Pourquoi tu me demandes ça ? interroge Jessica, réagissant à retardement.

– Attends, maman, je voudrais écouter...

– Tu t'intéresses aux informations, maintenant ? C'est nouveau !

– Oui, chut, s'il te plaît !

Les lieux du drame sont montrés, puis la sortie du commissariat de l'entrepreneur menotté. Une voix off explique : « Pierre Dujean a affirmé aux enquêteurs qu'il avait été averti de l'intrusion des deux adolescents la veille du drame, par un voyant soi-disant consulté sur Internet. Pour les policiers, l'affaire pourrait davantage s'orienter vers un règlement de comptes entre trafiquants, car ils auraient découvert de nombreuses anomalies dans la comptabilité de l'entreprise Dujean. En tout cas, ce drame pose une nouvelle fois la délicate question de l'autodéfense... »

– Mince alors ! lâche Caroline.

– Qu'est-ce qui se passe ? Tu connaissais ce type ? s'inquiète sa mère.

– Non, pas du tout, qu'est-ce tu vas chercher ! Je trouve ça... con, répond la jeune fille hors d'état de tenir une discussion élaborée.

– Con, c'est tout ce que ça t'inspire ? Deux jeunes se font tuer par un malade de la gâchette et tu trouves ça… con.

Elle s'interrompt en voyant sa fille se lever brusquement de table.

– Où vas-tu ?

– Excuse, maman, j'ai oublié d'appeler un copain. J'en ai pour une minute.

– J'espère bien, ça va refroidir.

L'adolescente s'enferme dans sa chambre avec le téléphone sans fil de la maison. Après avoir hésité un court moment, elle s'enhardit à composer un numéro inscrit dans son carnet d'adresses.

– Allô ! répond une voix de jeune homme.

– Anthony ?

– Lui-même.

– Salut, c'est Caro.

– Ah ouais ? Ça va depuis tout à l'heure ?

– Oui. Écoute, j'ai un petit service à te demander.

– Tout ce que tu veux, sauf de te passer l'exo de trigo, j'y pige que dale.

– En fait, je voudrais juste que tu me donnes le numéro de téléphone de ton frère Antoine.

Le garçon marque un silence d'étonnement.

– Qu'est-ce que tu lui veux, à mon frangin ?

– Rien de mal...

– J'espère !

– Non, c'est simplement qu'il est sur une enquête à cause de mon voisin qui s'est suicidé, et j'ai une information ultra-urgente à lui donner.

– Quel genre d'information ?

– Rien qui t'intéresse. Vas-y, je note.

– Ça peut peut-être attendre demain... Ah non, c'est vrai que demain c'est samedi et je crois qu'il ne bosse pas. Mais attends, tu veux l'appeler quand ?

– Tout de suite.

– Alors, c'est pas la peine. Il a téléphoné tout à l'heure à ma mère pour lui dire qu'il allait sortir avec Mina et qu'il n'aurait pas le temps de passer comme prévu.

– Mina ?

– Sa copine.

Contrariée, Caroline se mord les lèvres d'indécision. Bien sûr, elle pourrait patienter jusqu'à lundi pour transmettre cette « information ultra-urgente », mais lundi... c'est loin. Et puis surtout, ça risquerait de compromettre une idée qui lui est venue en même temps que l'envie de se précipiter sur le téléphone : suggérer au policier d'aller interroger l'entrepreneur justicier, et bien sûr de l'accompagner.

– T'es amoureux de mon frère ? demande Anthony sur un ton mi-inquiet, mi-narquois.

– Mais non idiot ! Je ne fais pas dans le vieux.

– C'est vrai qu'à vingt-neuf ans, on n'est plus très loin du troisième l'âge ! Quand je lui dirai ça, à mon vieux frère, il sera content.

– Tu ne lui diras rien du tout, sinon, je ne te parle plus jusqu'en 2012 ! En attendant, tu pourrais peut-être me donner son numéro de portable.

– Tu rigoles ! Si je fais ça, il m'assassine !

– Et si je t'envoie les solutions du devoir de trigo par mail ?

Anthony ne dit plus rien, Caroline sourit. Tout à coup, le garçon se décide :

– D'accord. Tu notes ?

Antoine et sa compagne passent la soirée chez un couple d'amis. Le dîner a été délicieux et convivial, mais l'ambiance passablement alourdie par l'humeur « tendance glauque » (selon l'expression de Mina) du jeune officier de police. Maintenant, ils sirotent un café dans le salon tout en écoutant de vieux disques de jazz et de rock'n roll. En plein solo de guitare de Chuck Berry, la sonnerie musicale Elvis Presley du téléphone mobile d'Antoine retentit dans son blouson posé sur une chaise.

– Ah non ! Dis-moi que c'est pas vrai ! proteste Mina.

– Hou ! Hou ! Sortez-le ! approuve leur hôtesse.

– Je suis désolé, s'excuse le capitaine en quittant son confortable fauteuil.

– Il est désolé, mais il va quand même répondre, grommelle leur hôte.

Le policier s'isole dans le couloir pour prendre la communication, persuadé que c'est sa mère qui l'importune.

– Allô ? grogne-t-il.

– Monsieur Rochand, c'est Caroline !

– Caroline ! Mais... comment avez-vous eu mon numéro ?

– Euh... j'ai interrogé un site de voyance.

– Je vois, et il s'appelle AnthonyRochand.com, c'est ça ? Bon. Écoutez, mademoiselle, je crois qu'il va falloir...

– Je sais, c'est pas bien de vous déranger comme ça alors que vous êtes entre amis, le coupe-t-elle, mais je devais le faire. Vous avez vu les informations à la télé ?

– Non, pourquoi ?

En quelques mots, elle lui rapporte le fait divers et les allégations pour le moins étranges du patron justicier.

– Il faudrait peut-être que vous alliez interroger ce type ? suggère-t-elle pour finir.

– Bonne idée, sauf que c'est pas dans mon secteur. Je n'ai pas plus le droit de le faire que la bonne du pape.

– Je suis sûre que si vous le vouliez, ce serait possible, objecte Caroline.

Le capitaine estime qu'il est temps de raccrocher, d'autant que depuis le salon Mina le fusille de ses beaux yeux noisette.

– Peut-être. Je verrai. Merci pour l'info.

– Monsieur ! Euh... j'aimerais venir avec vous quand vous irez questionner Dujean.

– Il ne faut pas trop m'en demander, Caroline. Mais je m'engage à vous tenir au courant si j'apprends quelque chose d'intéressant.

– Promis ?

– Promis.

La conversation s'arrête là. Si la jeune fille peut légitimement nourrir des doutes quant à l'empressement du capitaine à suivre sa suggestion, celui-ci sait déjà que demain à la première heure il foncera chez ses collègues chargés de l'affaire Dujean.

Voyant son compagnon préoccupé, Mina s'approche.

– Ça va ? s'enquiert-elle.

– Oui, c'est... c'était un informateur.

– Ce n'était pas plutôt une informatrice ?

– Exact. De quinze ans et assez rusée pour soudoyer mon frère. Il ne perd rien pour attendre celui-là...

Le lendemain, en tout début d'après-midi, Caroline reçoit chez elle un appel téléphonique d'Antoine Rochand qui n'a pas perdu son temps ce matin.

– Je sors de la maison d'arrêt où a été incarcéré Pierre Dujean, annonce-t-il.

– Ah, et alors ?

– Alors il a bien consulté le site sivoustenezalesavoir.com. Il m'a avoué que ça fait deux semaines qu'il l'interroge, ce qui lui a coûté une fortune...

– Et la tôle pour vingt ans.

– Oui, théoriquement. Il m'a expliqué que le voyant lui a prédit avec exactitude des faits que personne au monde n'auraient pu deviner, pas même sa femme. Sa dernière consultation remonte à dimanche dernier. Il a voulu savoir si son entrepôt allaient être à nouveau cambriolé, parce que ça faisait déjà deux fois en six mois qu'on lui pillait ses stocks. En apprenant grâce au site que les cambrioleurs allait revenir jeudi soir, la fureur lui a fait perdre la tête. Il a voulu faire justice lui-même.

– Il aurait pu prévenir la police.

– Il aurait dû, oui... Il m'a assuré que s'il avait demandé au site combien d'années de prison son initiative allait lui coûter, il aurait renoncé.

– Il n'avait pas besoin de devin pour savoir ça ! Quelle patate ! Et la mort des deux jeunes, ça ne l'a pas touché ? s'exclame la jeune fille.

– Non, il s'en fiche. Mais c'est un autre problème. Voilà, Caroline, c'est tout ce que je sais.

– Merci, c'est vraiment trop sympa. Et vous, vous l'avez reconsulté, le site ?

Le policier marque un long silence avant de répondre... franchement.

– Oui.

– Et alors ?

– Je ne dors plus depuis deux jours. Aussi, je vous donne un conseil, Caroline, ne tentez pas l'expérience une seconde fois. Je ne sais pas ce qui se cache derrière cette façade anodine, mais c'est pernicieux, très pernicieux.

– Vous pensez à quoi ?

– Si je vous le dis, vous allez faire des cauchemars.

– Dites toujours.

Le capitaine élude la question.

– Je vous laisse, Caroline. Passez un bon week-end.

L'adolescente comprend qu'il serait inutile d'insister.

– Merci. Vous aussi, autant que possible... Ah, au fait ! J'ai oublié de vous demander de ne pas secouer Anthony de m'avoir donné votre numéro de mobile.

– Désolé, mais faudra qu'il paie pour sa trahison, plaisante le policier.

– Mince, alors je vais me faire assassiner lundi.

– Si c'est le cas, je serai sûrement chargé de l'enquête. Mais je vous promets que justice sera faite.

Antoine Rochand coupe la communication, puis lâche dans un murmure :

– Si je suis toujours vivant.
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